Cerveaux interconnectés via machines et réseaux

Le postmodernisme, horizontalisation du pouvoir rendue possible par une intelligence connective

Résumé

La transformation numérique a conduit la presse et les médias subventionnés à être rachetés par une dizaine d’oligarques conduisant à un effet de cartel, de connivence avec les États, et un effondrement de la confiance des citoyens dans ces médias où il n’y a aucun débat, mais l’expression d’une pensée unique et une hystérisation des échanges.

L’ubérisation et la fin de ce monde politico-médiatique vertical, c’est aussi le postmodernisme d’une monde horizontal grâce à une nouvelle forme d’intelligence pas artificielle mais connective, faite de réseaux d’humains réels, connaissances et outils, augmentée et augmentés par internet.

La victoire de la Petite poucette de Michel Serres contre les thanatocrates.

Chapitres

Presque 2 ans après l’élection d’Emmanuel Macron nous sommes dans une atmosphère permanente de fin de règne chronique, catalysée par les Gilets Jaunes, un mouvement toujours soutenu par la majorité de la population française dont ce mouvement n’est que la face immergée, malgré une campagne de dénigrement, de mensonge, de diabolisation et de répression condamnée unanimement par l’Union Européenne, l’ONU, la cour européenne des droits de l’homme, la ligue des droits de l’homme.

Quelques chiffres tirés d’une étude d’opinion réalisée par l’institut Elabe pour l’Institut Montaigne (Think-tank d’orientation libérale) sur le mouvement des Gilets Jaunes et publiée il y a 10 jours :

  • Parmi les personnes qui soutiennent l’action et les revendications du mouvement, 55 % sont des femmes
  • La seule sous-catégorie qui est significativement surreprésentée est celle des femmes vivant seules avec enfants : elles représentent 12 % au sein des Gilets jaunes alors qu’elles ne représentent que 6 % de l’échantillon de Français interrogés.
  • Les actifs sont au cœur du mouvement : les 50-64 ans 30 % (+5 points par rapport à leur poids dans la population française), les 35-49 ans 28 % (+3) et les 25-34 ans 16 % (+1)

Emmanuel Macron, l’ubérisateur ubérisé

Selon le sociologue Michel Maffesoli, Emmanuel Macron est un fake de la postmodernité « marketé » comme l’ubérisateur de La France, il ne semble être qu’une illusion de nouveau monde (comme je l’écrivais dans mon billet de mai 2017) et en réalité tout le contraire : un témoignage de la dégénérescence de l’ancien monde.

Derrière lui, une machine étatique obèse à l’infini reposant sur le capitalisme de connivence et le soutien d’éditocrates subventionnés et chiens de garde de la verticalité entre-soi de l’élite parisienne jacobine. Déphasés de la réalité, ils ne voient et ne veulent pas voir la naissance d’une forme d’ubérisation du politique : Internet, les médias sociaux et l’ubiquité des smartphones décuplent l’horizontalité par l’émergence d’une « intelligence connective« . L’usage et le rôle de Facebook et d’autres plateformes dans la fulgurance du mouvement des Gilets Jaunes en est la démonstration, tant dans l’ampleur, l’organisation les débats et la réflexion autour des solutions pour améliorer le système de représentation qui depuis des décennies a conduit le système politique à la perte totale de sa raison d’être. L’usage des Live via smartphone pendant les manifestations constituent un contre-pouvoir à la propagande d’État diffusée au travers de médias asservis (j’y reviendrai plus bas).

N’y voir que « populisme » et complotisme n’est qu’aveuglement, méconnaissance de la réalité, absence totale d’empathie, mensonges, propagande. C’est devenir un complotiste qui ne voit que des complotistes, et c’est avant tout de la résistance au changement.

Jean Lassalle, député semblant tout droit sorti d’un monde encore plus ancien, avait pourtant vu dans le futur il y a 4 ans, après sa marche pour rencontrer les citoyens.

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Le député Jean Lassalle, prophétique en 2015, source Thinkerview
Passage de 1 min 39 s entre 00:06:42 et 00:08:20 dans l’interview

Une mutation sociale produit le meilleur comme le pire. Ceux qui s’accrochent à ce système politico-médiatique en décomposition traite le mouvement des Gilets Jaunes de la pire des manières : par la violence, la répression, la haine, le mépris et l’arrogance, la diabolisation et le mensonge. Car les Gilets Jaunes et le soutien de 70% de la population française se sont rassemblés autour d’une quête légitime: la démocratie. Mais ils menacent ceux qui ont capturé le pouvoir et qui sont désormais devenus illégitimes.

L’ubérisateur ubérisé traite par la violence les non-violents en les accusants de violents. Les mécanismes décrits par Georges Orwell dans « 1984 » se dévoilent sous nos yeux.

Effets en cascade de la transformation numérique sur la presse, les médias et le politique

La consommation et le marché de l’information a subi des bouleversements avec l’arrivée d’internet et de nouveaux acteurs sur le marché, ainsi que l’usage des smartphones. La presse et les médias très dépendants des subventions de l’État et de la publicité ont été fragilisés et ont pu être acquis par quelques oligarques qui possèdent aujourd’hui 90% des médias « mainstream ».

Le livre « Mimi » sorti en octobre 2018 met en évidence le fait que la campagne d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle française de 2017 a été massivement soutenue par l’oligarchie et que celui-ci a fait l’objet d’une surexposition médiatique jamais égalée (29 unes de Paris-Match, qui appartient à Arnaud Lagardère) notamment par l’intermédiaire de Xavier Niel, propriétaire de Free, Le Monde, L’Obs, et possédant des parts dans de très nombreux médias. Une description très précise du contexte, des jeux d’acteurs et du fonctionnement de ces réseaux est décrite dans le livre de Juan Branco « Crépuscule » (également disponible gratuitement en PDF)..

Infographie noms des propriétaires des médias français

Source : Le Monde Diplomatique

L’acquisition des médias par les oligarques leur permet de contrôler indirectement les médias et de soigner leur image et, grâce à l’exposition médiatique, mettre en place des élus qui leur rendront des comptes : avantages fiscaux, législations, attribution de licences, marchés, monopoles, subventions de projets, passerelles entre secteurs public et privé à des postes clés… C’est ce qu’on appelle le capitalisme de connivence qui n’avantage que les très grandes multinationales, les grandes banques spéculatives et la technostructure sortie des grandes écoles qui en retire des rentes par la capture de l’État. Ce qui est profondément anti-libéral, « libéral » dans son sens noble : le drame est que la majorité de nos soit-disant intellectuels confondent capitalisme de connivence et libéralisme qui sont antinomiques, puisque ce dernier, c’est l’égalité de tout le monde devant le droit (John Locke).

La corruption c’est quand il y a une inégalité devant le droit.

Pour l’élection présidentielle de 2017, devant le ras le bol du système politique par les français (record d’abstention et de vote blanc), l’élimination médiatique de François Fillon et afin d’éviter que des candidats situés en dehors du système et de l’oligarchie puissent l’emporter, tout a été fait pour  propulser Emmanuel Macron. Cette concentration du pouvoir par quelques oligarques provoque un effet de cartel qui limite la liberté d’informer.

La confiance dans les médias est au plus bas depuis 32 ans, aggravée par le traitement catastrophique de la crise des Gilets Jaunes : le niveau de confiance dans la télévision s’effondre à 38 %, la presse écrite tombe à 44 % et même la radio baisse, à 50 % selon 32ème baromètre de la confiance des Français dans les médias réalisé par Kantar pour La Croix, janvier 2019. Les citoyens ne s’informent plus ou se retournent alors vers Internet, dont ils se méfient beaucoup également, toujours selon le même sondage.

Sur internet l’offre d’information est beaucoup plus libre, diversifiée, pour le pire, et aussi pour le meilleur. C’est une jungle extrêmement polluée, parfois stupide, violente, mensongère, complotiste, comme l’est le réel, avec un énorme effet d’amplification, mais c’est aussi une source d’information extraordinaire, et un forum géant donnant des possibilités de débats et de partages tout aussi extraordinaires, la publication de ses propres contenus.

L’interconnexion de cerveaux, de connaissances et de puissants outils numériques, créé de nouvelles formes d’intelligences connectées et collectives : connectives

Hystérisation des débats et psittacisme

La discussion Socratique est la base de notre civilisation. Inventorier les faits, écouter, discuter en évitant les notions de morale, de bien ou de mal qui ne sont bien souvent que des excuses pour cesser de discuter.

Aujourd’hui il est quasiment impossible d’avoir une discussion calme et sereine sur le sujet des Gilets Jaunes. Et ce n’est pas l’abus d’alcool qui en est la cause, lorsque le sujet est abordé trop tard lors d’un apéritif (vécu…) ou pire, à la fin d’un repas de famille, moment sacré de l’engueulade politique, surtout à Noël quand tout le monde est là.

Plateau de l'émission de télévision Droit de réponse

Plus largement que la question du mouvement des Gilets Jaunes, tout débat sur à peu près n’importe quel sujet est devenu impossible, car soit complètement hystérisé, soit sujet à dérision systématique (à ne pas confondre avec la vitale rigolade qui peut s’insérer dans le débat socratique) ou encore balayé sous le prétexte qu’on « ne va pas se prendre la tête avec ça ». Mais c’est vrai, la pensée n’est pas l’apanage de notre époque.

Comme si l’on mimait les affligeants faux débats télévisuels, qui n’en sont pas, car ils ne sont que l’expression d’une pensée unique, d’un conformisme dominant d’une classe politiquo-médiatique de l’entre-soi, utilisant toutes les techniques du terrorisme intellectuel pour évacuer tout rival : disqualification / jugement par association, procès d’intention, point Godwin ou Poujade, etc. voir le travail du philosophe Jean-François Revel. Ainsi, l’intelligence et le débat n’existe pratiquement plus sur les plateaux des médias « mainstream », traditionnels. Il ne faut surtout pas éveiller les consciences, mieux vaut diviser pour mieux régner en envahissant le champ médiatique avec des débats sur des questions de moeurs, sexualité, religion, morale…  (le « sociétal ») et autres obsessions « progressistes » qui n’ont aucun rapport avec l’idée de progrès, afin d’éviter et de masquer les véritables questions relatives aux problématiques de société : responsabilités et libertés individuelles et citoyennes, légitimité et fonctionnement des institutions, des systèmes de représentation et de gouvernance, lutte contre la corruption et des inégalités devant le droit, principes de solidarité… (le social).

Le débat entre nous devient bien souvent impossible car trop de gens parmi nous gobent et répètent par psittacisme (répétition mécanique comme par un perroquet) les inepties sans fondement que véhiculent les médias mainstream et les éditocrates.

Petite poucette contre les thanatocrates

Pouces sur clavier d'une console portable

Un billet « Le petit théâtre du philosophe Michel Serres » met en scène sous forme de personnages l’œuvre de mon philosophe gascon académicien optimiste préféré. On pourrait interpréter les 2 derniers personnages comme une anticipation de ce qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux : l’émergence d’un postmodernisme sous la forme d’un monde horizontal par l’intelligence connective de « Petite poucette », qui se sert de ces pouces pour taper sur son smartphone et être connecté avec le nouveau monde horizontal, face aux gardiens de l’ancien monde vertical à l’agonie avec le « Thanatocrate », c’est à dire les médias et leurs éditocrates qui font leur miel des morts, des catastrophes, des guerres et nous montrent en boucle des images de violences plus ou moins marginales.

Les nouvelles formes d’intelligence ne sont pas dans l’intelligence artificielle mais dans les réseaux d’humains réels, augmentée et augmentés par internet. Par l’infinité des connexions, des bases de connaissance et la puissance des outils numériques.

Une chanson prémonitoire d’il y a 8 ans, sur des images d’aujourd’hui