La crise du Covid était une fenêtre ouverte sur l’avenir. En direct, sur toutes les chaînes. Un échantillon du futur. Une vision précise de tout ce qui t’attend. Et finalement une démonstration de tout ce que tu es.
Laurent Obertone, Éloge de la force, page 61, septembre 2020
Et tu as tout vu un instant. Vu à quel point L’État n’était pas prêt, ne servait à rien. Incapable de gérer la plus petite oscillation de ce monde… Et pendant que paradaient les menteurs habituels, se vidaient les caisses et se remplissaient les morgues, tu as compris. Compris combien tu étais seul et dépendant, combien cette société était fragile, à la merci de tout, et combien tes semblables désemparés étaient à un cheveu de basculer dans la panique et la sauvagerie. Et toi avec eux.
Tu as vu tout ça. Et après ? Rien. Absolument rien.
Tu as ouvert ton placard, tu as vu un tas de cadavres. Et tu l’as refermé. Et tu es allé te préparer ton bol de céréales, en te demandant si la Fête de la musique allait quand même avoir lieu. Repos. Pouvez fumer. Comme si rien de tout ça n’avait jamais existé. Voilà Le plus fort. Ton état de sujétion est tel que tu n’admets plus la réalité, tu en corriges inconsciemment la perception. Tu en effaces chaque jour le souvenir. Le terrorisme, l’ensauvagement, l’ultraviolence, la crise qui vient… Tu ne veux pas voir ça. Te voilà devenu le parfait sujet de la machine. Comme elle, tu ne t’appliques plus qu’à ignorer les faits, à éviter les conclusions, à évincer les doutes. Tu es ce vison qu’on emmène au marché de fourrures et qui ne fait pas le rapprochement…